3. Le Jury

Une table ronde de représentants publics, de futurs utilisateurs et d'experts extérieurs se réunit aux deux moments fondamentaux du marché : la sélection des candidats qui élaboreront une offre et, parmi eux, le choix du lauréat qui exécutera la mission.  Une responsabilité partagée qui demande sensibilité, capacité d’écoute, esprit critique et multiplicité de compétences.

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1. Une question de jugement

La bonne composition du Jury et sa capacité de jugement constituent un aspect crucial pour le succès du processus et la qualité du choix.

Le déroulement d'une séance du Jury doit permettre à chaque membre de se faire une idée personnelle et de s'exprimer librement sur les différentes propositions (ou candidatures) à analyser.  Chaque membre doit en outre pouvoir comprendre les arguments des autres, les accepter ou les contester (sans polémiques), voire changer d'opinion au vu des débats qui se tiennent pour ou contre les différentes propositions.

Si le Jury n'est pas à la hauteur des ambitions du projet, si la parole ne circule pas assez, si on ne prend pas le temps d'aller en profondeur avec les arguments pour ou contre chaque proposition, tout le travail en amont du Maître d'ouvrage et des équipes concurrentes risque d'être vain.

 

La capacité d'écoute, le respect des avis d'autrui et la capacité à argumenter son propos constituent autant de qualités dont chaque membre d'un Jury devrait faire preuve.

La gestion de la parole et des tours de table est aussi essentielle pour garantir ce bon fonctionnement.  Le président du Jury en est responsable.

Jury et adjudicateur

Le Jury ne doit pas être confondu avec l'adjudicateur.  Le Jury propose (il dispose d'un pouvoir d'avis), l'adjudicateur décide.

D'habitude l'adjudicateur est présent au sein du Jury et la validation des propositions de ce dernier par l'autorité compétente n'est alors qu'une formalité.

2. Un Jury bien composé

Un bon Jury comprend en son sein toutes les compétences pour sélectionner les équipes les plus intéressantes et ensuite, parmi celles-ci, désigner celle qui a formulé la meilleure proposition.

La bonne réussite d'un Jury implique aussi que le lauréat en ressort plus fort, puisque son projet a été plébiscité par un choix collectif, qu'un ensemble d'acteurs décide de porter jusqu'à sa réalisation.

 

La composition du Jury et sa taille varient en fonction du projet.  Il s'agit de réunir au maximum 10 à 12 personnes en observant deux principes de base :

  • Tout d'abord, il est fondamental que les principales parties prenantes du projet soient représentées et qu'à ces membres s'ajoutent d'autres intervenants plus extérieurs, avec une compétence spécifique à l'objet du marché, qui alimentent les débats. Un bon équilibre est en général la garantie d'une ouverture des horizons en mettant à distance d'éventuelles idées préconçues ;
  • Un deuxième principe, appliqué aussi à l'étranger, est que la moitié du Jury soit composée d'architectes ou de personnes familiarisées avec le jugement architectural.  Non seulement les architectes du Maître d'ouvrage (par exemple, du service des Travaux ou de l'Urbanisme) ou de la Cellule architecture, mais aussi des architectes indépendants, ayant un regard expert et extérieur sur les propositions architecturales.

 

Pour préparer le travail du Jury, une Commission technique est chargée d'analyser les candidatures reçues (avant le Jury de sélection) et, ensuite, les pré-esquisses (avant le Jury d'attribution).  Celle-ci est composée de deux ou trois personnes : généralement l'agent traitant (si possible un architecte) assisté d'une autre personne, par exemple un architecte de la Cellule architecture et/ou un utilisateur du bâtiment à transformer qui connait bien la configuration des lieux.  Seules ces personnes ont accès aux documents avant la séance du Jury.

Le travail spécifique à accomplir par la Commission technique est décrit dans les sections 5 et 7 de ce Guide.

 

Plus concrètement, un bon Jury est composé des intervenants suivants :

Maître d'ouvrage.  Des représentants du Maître d'ouvrage qui soient capables de juger des enjeux tant architecturaux que stratégiques du projet, donc urbanistiques, culturels, pédagogiques, sportifs, etc.  Il peut s'agir du Bourgmestre, d'un échevin, d'un responsable de l'urbanisme, etc.  Si le Maître d'ouvrage emploie des architectes, il est opportun qu'ils soient présents , soit dans le jury, soit dans la Commission technique.

 

Futurs utilisateurs.  Les utilisateurs du projet, parce qu'ils connaissent mieux que quiconque la réalité de leur travail et ce qu'ils attendent du projet ; ils connaissent également le bâtiment qui va être transformé (le cas échéant), ses potentialités et les problèmes que les auteurs de projet devront régler.


Pouvoirs subsidiants.  Pour des projets subsidiés, il est important d'inviter des représentants des services concernés à être présents, de préférence experts en la matière (représentants de l'enseignement, du tourisme, du sport, du patrimoine, de la culture, etc.).


Cellule architecture.  Lorsqu'ils collaborent au déroulement du processus, les architectes de la Cellule architecture sont également présents, à la fois dans la Commission technique et dans le jury. La Cellule architecture propose en outre de présider le jury. En effet, le rôle prépondérant du président est avant tout un rôle de modérateur de débat, de faire circuler la parole, de synthétiser les débats, … L'expérience de la Cellule architecture en la matière lui permet de maîtriser la méthodologie nécessaire pour assurer ces tâches. L’objectif n’est évidemment pas de déposséder le maître d’ouvrage de ses prérogatives. Il assume toujours l’accueil des membres et une introduction sur les enjeux du projet. Suite au jury, c’est toujours lui qui officialise la décision. L’objectif est plutôt de clarifier les rôles de chacun et d’accentuer la plus-value que le jury apporte au maître de l’ouvrage. Il ne faut pas confondre présidence de jury et décision. En effet, le Président anime un débat mais ce n’est pas lui qui « décide ». Le jury d’ailleurs ne décide pas non plus: il conseille. Il est là pour avoir un débat et que ce débat soit consigné dans un rapport qui sert la motivation du choix que fera officiellement le maître d’ouvrage par la suite. Le jury et son président sont au service de l'adjudicateur. 

Commune et Région.  La présence de représentants en charge des enjeux urbanistiques, environnementaux ou patrimoniaux, tant au niveau communal que régional, est importante pour vérifier la pertinence des propositions des équipes par rapport à ces enjeux (tout en sachant qu'il s'agit d'ébauches et non de demandes de permis!).  De plus, ces représentants ont l'opportunité de se fédérer autour du projet qui se développera sur leur territoire et sur lequel ils seront amenés à donner un avis.


Experts extérieurs.  Comme déjà dit, la présence d'experts extérieurs habitués à juger des projets d'architecture est fondamentale.  Il est recommandé d'inviter trois architectes, urbanistes, paysagistes, designers, qui puissent avoir des compétences ou des préoccupations pertinentes par rapport au projet.  Les enseignants des facultés d'architecture, par exemple, ont une bonne expérience dans le jugement des projets. Dans le cas de projets d’envergure, il peut être pertinent de convier un expert étranger tandis que pour les marchés sans publicité (< 85.000 euros HTVA), la présence d’un seul expert est préconisée.

Il peut être utile d'inviter des personnes compétentes en d'autres matières, comme par exemple, un muséologue pour un musée, un expert en pédagogie pour une école, etc.

La présence de ces experts doit être dédommagée : la Cellule architecture propose un forfait de 375 €/personne pour la journée, plus frais de transport (et d'hôtel) éventuels. S'agissant d'un dédommagement, la TVA n'est pas d'application.

Bien communiquer aux membres du Jury

L'implication de chaque membre dans le processus est facilitée par quelques actions qui ne sont pas nécessaires au niveau légal, mais qui sont très importantes au niveau de la qualité du processus.  Il s'agit surtout de tenir le Jury au courant des différentes actions qui ont été accomplies tout au long du marché.  Un simple courriel groupé suffit.

Ainsi, en complément des courriers officiels évoqués plus haut, il est recommandé de communiquer aux moments suivants :

  • 10 jours avant la séance du Jury, envoyer un courriel de rappel demandant de confirmer à nouveau sa présence (procéder par téléphone en cas de non réponse).  Envoyer aussi le modèle de déclaration de créance que les experts extérieurs pourront remettre le jour de la réunion du Jury. En phase d'attribution, envoyer aussi le PV de la séance de questions-réponses et des éventuelles questions successives auxquelles il a été répondu.
  • Une fois que les candidats/soumissionnaires sont tous informés des résultats, transmettre le rapport d'attribution au jury, en lui indiquant que son devoir de réserve sur l'issue de la séance est levé.

3. En pratique

La convocation des membres du Jury à une date qui convienne à tous est une tâche qui peut prendre beaucoup de temps. Le mieux, c'est de s'y prendre le plus possible à l'avance.

- pour la réunion de sélection qualitative: les représentants du Maître d'ouvrage et des utilisateurs peuvent déjà bloquer un certain nombre de dates (minimum trois, des jours de semaine différents) avant la publication de l'Avis de marché; les autres membres devraient être contactés au moment de la publication de l'Avis de marché ; la réunion à fixer doit se tenir 6-7 semaines plus tard (au moins 2 semaines après la remise des candidatures, pour permettre leur préanalyse par la Commission technique et la préparation pratique du jury). Ces personnes (représentants de la Ville, de la Région et experts extérieurs) doivent être contactées personnellement, par téléphone et par courriel.

 - pour la réunion d'attribution, la date pourra être fixée de la même façon, au moment de la notification et de la transmission du cahier des charges aux soumissionnaires retenus.

A chacune de ces deux étapes, une fois trouvée la date qui convient à tout le monde, il est important de confirmer la séance par un courrier officiel qui précise la date et le lieu de rendez-vous, ainsi que les dates-clés suivantes déjà définies (remise des candidatures, visite de site, remise des offres, ...).

 

En annexe, il est utile de joindre :

- en phase de sélection qualitative: déclaration de créance expert, copie de l'Avis de marché et règlement d'ordre intérieur; au-delà de 15 candidatures, les notes de motivation seront jointes pour lecture anticipée.

- en phase d'attribution: déclaration de créance expert, rapport de la sélection qualitative, cahier des charges ainsi que ses principales annexes (éventuellement par lien informatique) et règlement d'ordre intérieur

Renvoi vers les modèles

Tous les éléments de texte soulignés renvoient à un document-type téléchargeable en marge.

4. Déroulement d'une séance

L'idéal est de tenir la séance sur le site du projet ou à proximité.

Une bonne séance est structurée en plusieurs moments bien définis :

  • Une introduction pendant laquelle sont situés brièvement les enjeux du projet, pour qu'ils soient clairs et identifiés par tous ;
  • Lors de la première séance (sélection qualitative), certains enjeux peuvent être illustrés par une visite du site pour les membres qui ne le connaissent pas (cette visite se fera préférentiellement sur le temps de midi pour ne pas retarder l'examen des candidatures);
  • Une explication rapide des documents de pré-analyse préparés par la Commission technique ;
  • Une phase d'analyse pendant laquelle chaque membre du Jury peut se faire son opinion sur chaque proposition sans être influencé par les autres.  Cela correspond au temps laissé pour l'analyse des dossiers de candidature (en phase de sélection qualitative) ou pour la présentation orale des pré-esquisses par les équipes retenues (en phase d'attribution) ;
  • Un premier tour de table où chaque personne se prononce, à tour de rôle et sans intervention des autres, sur chacun des projets ou des candidatures analysés ;
  • Un deuxième tour de table et/ou un débat pendant lequel les principaux arguments sont débattus. Cette phase est moins prévisible que les autres et dépend de la qualité des propositions, de la complexité du projet, des confrontations d'idées au sein du Jury, etc. ;
  • À l'issue de cette phase, s'il y a consensus, le Jury arrête la liste des candidats retenus (en phase de sélection qualitative) ou le nom du lauréat (en phase d'attribution) ;
  • Si les débats restent ouverts, le Jury peut s'exprimer par vote
  • Si les soumissionnaires sont présents pour une présentation orale, il sera apprécié que le maître d'ouvrage indique oralement à chacun le planning prévisionnel des étapes à suivre.

En fonction du nombre de candidatures/offres, la séance de sélection peut durer toute la journée (jusqu'en soirée). Il est donc indispensable que le jury réserve sa soirée en cas de besoin. La séance ne devra cependant pas se prolonger au-delà de 19h, qui est un grand maximum pour garantir la concentration des jurés.

La capacité du président du Jury à mener une telle réunion est fondamentale pour la réussite de la séance.  Il doit avant tout maitriser la méthodologie (dérouelement de la journée, circulation de la parole, ...). Il devra faire respecter les temps impartis tout en s'assurant que tous les membres aient eu l'occasion d'exprimer leurs réflexions sur les différentes propositions examinées.  De plus, il doit veiller à ce que toutes les propositions aient été évaluées sur un pied d'égalité et en fonction des critères d'attribution ; il doit pouvoir synthétiser les différentes positions exprimées pendant la séance et savoir susciter des débats ciblés sur les aspects à approfondir.  Il doit enfin comprendre à quel moment arrêter les débats et, s'il n'y a pas de consensus, procéder sereinement à un vote.

Le travail en amont opéré par la Commission technique constitue un autre élément important pour le bon déroulement de la séance.  Les documents doivent rester strictement objectifs, aider les membres du Jury à extrapoler les informations utiles et faciliter la comparaison quantitative et qualitative entre les propositions.

Lors de la deuxième séance du Jury, la Commission technique est aussi chargée de veiller à ce que la présentation orale des propositions par les équipes corresponde aux documents écrits remis, et attirer l'attention des membres au cas où des aspects problématiques d'une proposition ne seraient pas suffisamment pris en considération.

L'ordre de parole

L'ordre de parole lors des tours de table est important. Il est recommandé de donner dans un premier temps la parole aux utilisateurs afin qu'ils s'expriment de façon libre et puissent faire valoir toute leur expertise d'usage sans être influencés ou intimidés par d'autres membres détenant une forme d'autorité (autorité politique, autorité administrative ou experts extérieurs). Dans un second temps, l'intervention d'experts extérieurs permettra de compléter l'évaluation d'usage par une évaluation plus distante. Ensuite, les autorités extérieures de type pouvoir subsidiant et urbanisme pourront faire valoir leur arguments. Enfin, le maître d'ouvrage pourra à la lumière des différents avis exprimés, formuler sa position. Le rôle du président sera avant tout d'opérer une synthèse des jugements formulés et de lancer et orchestrer le débat de la délibération.

5. Préparation de la salle

La configuration de la salle a aussi un impact sur le bon déroulement des séances du Jury.

Idéalement, les séances du Jury se tiennent sur les lieux concernés par le projet, s'il y a un espace adéquat.  Les exigences de la salle varient entre la séance pour la sélection des candidats, qui peut être relativement simple, ou celle pour la présentation des pré-esquisses.

 

Les exigences

 Première séance (sélection) :

  • Lumière naturelle (de préférence)
  • Table ronde ou en fer à cheval
  • Table de support pour les dossiers de candidature
  • Boissons
  • Snacks-fruits pour parer à d'éventuelles prolongations de la séance en soirée

 

Deuxième séance (attribution) :

  • Lumière naturelle avec possibilité d'occultation
  • Table "en fer à cheval" ouverte vers un espace de présentation réservé aux auteurs de projet (entre 2 et 6 personnes en moyenne)
  • Surface de projection data + équipement silencieux
  • Surface ou chevalet de support des panneaux à proximité des auteurs de projet
  • Le cas échéant, table de support pour la maquette, avec un espace libre autour, le tout idéalement au centre du "fer à cheval"
  • Surface d'accrochage ou chevalets où, suite aux présentations, tous les panneaux sont exposés (pendant les présentations ils sont retournés ou occultés)
  • Idem, le cas échéant, pour ce qui concerne les maquettes
  • Boissons.

Conseil : le repas

Pour les réunsions de jury, le lunch doit être efficace (sandwich dans la salle de jury ou dans une salle directement connexe) afin de ne pas allonger inutilement la journée. Un moment plus informel pourra être éventuellement prévu en fin de jury si souhaité, permettant aux plus pressés de s'éclipser au besoin.

Pour la première séance du Jury (étape de sélection qualitative), le lunch efficace permet en outre, à ceux qui le souhaitent, de poursuivre la lecture des dossiers de candidature/de faire une visite du site pendant la pause.

6. Récapitulatif des tâches

  • Prospecter quant aux experts extérieurs à inviter (première prise  de contact)
  • Rédiger le règlement d’ordre intérieur du Jury (reprenant sa composition) .
  • Faire approuver ce règlement d'ordre intérieur par l'autorité
  • Coordonner les agendas et fixer la date du premier Jury.
  • Envoyer les convocations officielles.
  • Vérifier que les dédommagements soient versés.
  • Les tâches relatives aux rappels et aux informations à envoyer aux membres tout au long du processus sont récapitulées dans les sections spécifiques.